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Les Favorites Royales
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12 juin 2011

Anne Couppier de Romans, maîtresse passagère de Louis XV

Anne_Couppier_de_Romans

Fille d’un greffier de Grenoble, Jean Joseph Couppier de Romans et de sa seconde épouse Marie-Madeleine Armand, Anne Couppier dite Mlle de Romans naît le 19 juin 1737. Elle est baptisée le lendemain à Saint-Hugues, Grenoble. Elle ne serait jamais entrée dans l’Histoire si elle n’avait conquis deux hommes dont la gloire doit beaucoup plus au relâchement des mœurs qu’à leur exemplarité de leur vie : Giacomo Casanova et Louis XV.

A l’été 1760, arrivant d’Aix, Casanova met le pied à Grenoble, où il décide de passer quelques jours. Grâce au marquis de Valenglard, auquel on l’a recommandé, il est tout de suite introduit dans la meilleure société de la ville. Le soir même de son arrivée, il aperçoit au concert une belle grande jeune fille brune, à l’air timide, mise avec simplicité, qui, après avoir glissé un unique regard vers lui, s’obstine à ne plus regarder. Se penchant alors vers le marquis, il lui confie qu’il aimerait faire sa connaissance.
« Elle est sage et ne reçoit personne. De plus, elle est fort pauvre.
— Voilà trois raisons qui augmentent mon envie, réplique le Vénitien.
— Je vous assure qu’il n’y a rien à faire.
— C’est ce que je désire, insiste-t-il.
— Eh bien, soit. En sortant du concert, je vous présenterai à sa tante, Mme Morin. »

Invité dès le lendemain soir chez cette dame, dont le mari est avocat, il approche enfin l’objet convoité et lui fait part de l’ardent désir qu’il avait de la connaître. Elle rougit, en baissant les plus beaux yeux noirs qu’il ait jamais vus. En un éclair, il a tout détaillé : les cheveux de jais, la taille élancée, les lèvres rose tendre, sur lesquelles repose le sourire de la grâce et la pudeur. Cela lui suffit pour prendre feu. Quant à la conversation qui s’ensuit, elle le laisse dans le ravissement : « J’ai trouvé dans Mlle de Romans un esprit sage, sans fard, sans brillant et sans aucune prétention ; une gaieté toujours égale, et une adresse admirable à faire semblant de ne pas entendre dans la repartie un compliment trop flatteur ou un bon mot qu’elle n’aurait pu relever qu’en se montrant instruite de ce qu’elle devait faire semblant d’ignorer. » Tout, dans son extérieur, exprimait la plus délicate réserve : « Elle n’avait sur elle rien de ce superflu qui indique une certaine aisance, point de boucles d’oreilles, point de bague, point de montre ; elle n’avait au cou qu’un ruban noir d’où pendait une petite croix d’or. Sans cela, je ne me serais permis de regarder sa belle gorge qui n’excédait en rien, et que la mode et l’éducation l’avaient habituée à en laisser voir un tiers avec la même innocence qu’elle laissait voir à tout le monde ses joues où les roses se mêlaient aux lis. »

Plus il tâchait de deviner ce qu’il en pouvait espérer, plus sa perplexité devenait grande car, sans l’encourager d’aucune manière, elle ne faisait rien non plus de l’en dissuader. Pendant le souper, il profita d’un mince incident pour en avoir le cœur net. Ramassant la serviette que la belle avait laissée tomber, il lui pressa amoureusement la cuisse, sans lire sur ses traits aucun signe réprobateur.

Bien entendu, Casanova ne s’en tient pas à ces travaux d’approche. Le marquis de Valenglard a beau lui répéter qu’il n’a aucune chance de la posséder en dehors du mariage, il n’en poursuit pas moins ses assiduités. Non sans succès. Un jour, elle se laisse voler un baiser sur la main, avouant que si Dieu lui destinait un mari elle ne le souhaitait pas autrement fait que lui. Le lendemain, il l’embrasse sur la bouche et la fait asseoir sur ses genoux ; la tante s’esclaffe, tandis que la nièce s’arrache de ses bras en lui glissant un papier plié en quatre qui contient l’année, le jour, l’heure et la minute de sa naissance. Le message est clair : « Vous obtiendrez mes faveurs, lorsque vous aurez tiré mon horoscope, comme vous l’avez pour mes cousines. » Le jour suivant, elle vient dîner chez lui avec sa tante et Valenglard. « Debout devant moi, qui étais assis, appuyant ses genoux contre les miens, elle me demanda si j’avais pensé à son horoscope. Je lui ai répondu, la prenant par la main et la faisant tomber assise pour moi, qu’elle l’aurait le surlendemain. Dans cette position, j’ai baisé dix fois la charmante bouche de cet être céleste dont j’étais né pour faire la destinée ; mais elle ne l’ouvrit que pour prier de modérer mon feu. Elle était plus étonnée qu’effrayée de me voir tremblant, mais, se détournant de moi, elle ne quitta point la sérénité de son front, elle ne détourna point son visage, elle ne détacha point ses yeux des miens. Me rendant à sa prière, je suis devenu calme, et elle ne bougea pas. J’ai vu sortir de ses yeux l’air de satisfaction que donne une victoire remportée par un ennemi généreux. »

Casanova n’était pas homme à forcer la vertu d’une femme ; pour son triomphe, il fallait que la victime reconnût sa défaite. Or Mlle de Romans opposait à toutes ses tentatives une résistance aussi douce qu’inébranlable. Un soir, au clair de la lune, comme il se promenait seul avec elle dans son jardin, il lui fit les déclarations les plus enflammées, sans obtenir un mot de réponse. « Je la tenais enlacée dans mes bras, je la couvrais des plus tendres baisers ; mais sa bouche ne m’en rendit pas un seul, et ses belles mains, plus fortes que les miennes, firent toujours obstacle à mes entreprises. Arrivé cependant, par un dernier effort et par surprise, à deux pouces du temple convoité, elle me pétrifia par ces paroles qu’elle prononça sur un ton angélique : “Ah ! monsieur, soyez mon ami. Ne me perdez pas.” Je mis un genou à terre en lui demandant pardon. Mais j’étais en fureur. »

L’horoscope réussira-t-il à gagner le cœur de la cruelle ? Il le pense, car ce stratagème lui a souvent servi dans sa carrière de séducteur. Les jeunes femmes sont toujours curieuses de leur avenir, et prêtes à mille complaisances en faveur de qui le leur dévoilera. A l’aide d’un traité d’astrologie, d’un livre d’éphémérides et des indications précises qu’elle lui a fournies de sa naissance, il achève son pensum en moins d’une matinée. Une heure plus tard, Mlle de Romans, sa tante Morin, son oncle et le marquis de Valenglard, réunis autour du Vénitien, prennent enfin connaissance de ses prédictions. On laisse imaginer la stupeur de l’assistance en apprenant que la jeune fille allait quitter Grenoble et se rendre à Paris pour y devenir la maîtresse du roi. Mieux encore, elle donnerait naissance à un fils de sang royal « qui devait faire le bonheur de la France ». « Après tout, commenta Mme Morin, sans vouloir paraître étonnée de l’extraordinaire prophétie, ma nièce a plus de droits que la Maintenon à devenir la maîtresse du roi ; elle est jeune et sage, alors que l’autre n’était qu’une courtisane sur le retour. »

Par une curieuse coïncidence, il se trouve que la propre sœur de Mlle de Romans, Marie-Madeleine Couppier dite Mme Varnier, exerçait le métier d’entremetteuse et de femme galante à Paris, où elle tenait tripot rue de Richelieu, au-dessus du café de Foy, et qu’elle était en relations avec Le Bel, le pourvoyeur du Parc-aux-Cerfs. Dès lors, on peut se demander si le faiseur d’horoscopes n’avait pas plutôt servi d’intermédiaire, et si ses dons divinatoires ne consistaient pas surtout à tirer les ficelles. Il paraît improbable que sa passion des cartes ne l’ait pas conduit un jour au tripot de dame Varnier, et moins probable encore celle-ci n’ait pas signalé à Le Bel l’existence de sa jeune sœur comme une fort jolie personne bien digne d’amuser Sa Majesté. C’est la seconde fois, rappelons-le, que le séducteur rencontrait sur son chemin une future maîtresse du roi de France : n’avait-il pas déjà « débarbouillé » la petite Louison ?

En tout cas, le rôle de Casanova dans cette intrigue devait rester confidentiel, et il le resta. On n’en trouve nulle trace dans la chronique du temps. De surcroît (le fait est assez rare pour qu’on y insiste), il ne s’est pas trompé dans ses dates. Mais sa rencontre avec elle se situe bien au second semestre de l’année 1760, et le mémorialiste Barbier peut écrire en décembre 1761 que « depuis un an environ » on avait fait connaître au roi « une fille de vingt et un ans [sic] bien faite, très jolie, sans être une beauté, mais bien élevée et qui a beaucoup d’esprit. Elle est sœur ou nièce de Mme Varnier, qui loge dans une jolie maison sur le Palais-Royal, et qui donne à jouer aux gens comme il faut, et qu’elle sort d’une très bonne famille du Dauphiné, ayant ses parents dans le parlement de Grenoble ». Cette dame Varnier, bien connue de la police des mœurs et qui alimentait abondamment la chronique galante, ne trafiquait pas seulement pour ses charmes mais aussi de ceux de ses enfants et parents. En 1764, elle prostitua sa propre fille âgée de dix-sept ans pour 30 000 louis et 4 000 livres de rente ; en 1771, elle fut accusée d’avoir voulu « prostituer sans ménagement » une dame de Muran, sa parente. Rien d’étonnant donc à ce qu’elle ait également négocié Mlle de Romans. Un gazetier de l’époque rapporte qu’elle « obtint facilement la permission d’emmener sa sœur à Paris, où elle était domiciliée, et où elle espérait, disait-elle, lui procurer un établissement avantageux. Mais son projet réel était de profiter de son innocence et de sa beauté et de la faire connaître à Louis XV et de parvenir à en faire sa maîtresse. Elle mit tout en œuvre pour arriver à ce but, et y réussit complètement. La jeune personne, timide, sans expérience, se prêta à tout ce qu’on désirait d’elle. Flattée d’abord d’être l’objet d’attention du souverain, elle fut bientôt éblouie du sort brillant qui se présentait devant elle, et finit par s’attacher sincèrement au monarque, de son côté la traita avec les plus grands égards ».

Contrairement aux autres pensionnaires du Parc-aux-Cerfs qui pensaient être maîtresses d’un seigneur polonais, Mlle de Romans savait bien qu’elle était devenue la maîtresse de Louis XV. Aussi le roi ne l’installa-t-il pas aux Parc-aux-Cerfs et loua à son intention, au village de Passy, un hôtel qu’on appelait « l’hôtel de la Folie », d’où un carrosse à six chevaux venait la chercher pour la conduire à Versailles. Quand le roi séjournait à la Muette, c’est lui qui lui rendait visite. Elle le recevait « mollement couchée sur un canapé de taffetas, dans une posture voluptueuse », nous dit le maréchal de Richelieu, qui ajoute : « Louis XV l’appelait alors sa belle Madeleine, admirait la beauté de son corps et l’enchantement de ses attitudes. » Comme Mme de Pompadour s’alarmait de cette nouvelle liaison dont on pouvait penser qu’elle deviendrait sérieuse, Mme de Mirepoix, sa consolatrice attitrée, lui fit valoir, une fois encore, que le roi tenait trop à ses habitudes pour souhaiter en changer : « Je ne vous dirais pas qu’il vous aime mieux qu’elle ; et si, par un coup de baguette, elle pouvait être transportée ici, qu’on lui donnât ce soir à souper, et qu’on fût au courant de ses goûts, il y aurait pour vous peut-être de quoi trembler. Mais les princes sont, avant tout, des gens d’habitude ; l’amitié du roi pour vous est la même que votre appartement, vos entours ; vous êtes faite à ses manières et à ses histoires ; il ne se gêne pas, il ne craint pas de vous ennuyer : comment voulez-vous qu’il ait le courage de déraciner tout cela en un jour, de former un autre établissement, et de se donner en spectacle au public par un changement aussi grand de décoration ? »

Mlle de Romans se voit bientôt gratifiée de la terre de Meilly-Coulonge assortie du titre de baronne, ainsi que cent autres privilèges dont les petites-maîtresses du Parc-aux-Cerfs n’auraient jamais osé rêver. Surtout, elle fait promettre au roi qu’il reconnaîtra son enfant au cas où elle tomberait enceinte, ce qui ne tarda pas à se produire. Dans le courant de l’année 1761, Casanova apprend que sa belle amie réalise point par point les prédictions de son horoscope, jusqu’à se voir grosse d’un prince (ou d’une princesse) de sang royal. De retour à Paris, il la rencontre chez sa sœur, Mme Varnier, la trouve en état de « sultane féconde », quoique fort mélancolique, éprise de son royal amant, mais souffrant de ne pouvoir lui parler sans avoir le monarque devant les yeux.
« Et vous l’aimez ? demande le Vénitien.
— Comment ne pas l’aimer ! Poli à l’excès, bon, doux, beau, bagatelier et tendre ; il a tout ce qu’il faut pour subjuguer le cœur d’une femme. Il ne cesse de me demander si je suis contente de mes meubles, de ma garde-robe, de mes gens, de mon jardin, si je désire quelque changement. Je l’embrasse, je le remercie, je lui dis que tout est pour le mieux, et je suis heureuse de le voir content.
— Vous parle-t-il jamais du rejeton que vous allez doter ?
— Il me dit souvent que dans mon état je dois donner tous mes soins à ma santé. Je me flatte qu’il reconnaîtra mon fils pour prince de son sang.
— N’en doutez pas. »

Cependant, en dépit de sa promesse, Louis XV ne reconnut jamais son enfant, mais lui permit le nom de Louis-Aimé de Bourbon comme l’attestent deux billets de sa main : le premier datant du 8 décembre 1761 (quelques mois avant la naissance du bâtard) et le deuxième, le 13 janvier 1762, jour de la naissance de Louis-Aimé. C’est en effet sous ce nom, qu’il fut baptisé le lendemain, le 14 janvier. A compter de ce jour, Mlle de Romans perdit toute retenue et traita cet enfant comme un fils de France : elle l’appelait « Monseigneur », le promenait comme une châsse à l’arrière de son carrosse, se tenait devant lui comme sa gouvernante, et exigeait de tout le monde la même déférence à son endroit. Parée de ses plus belles dentelles, elle exhibait son divin rejeton au bois de Boulogne comme un autre duc du Maine. N’y tenant plus, Mme de Pompadour brûlait de voir la mère et l’enfant. Accompagnée de sa femme de chambre, Mme du Hausset, le visage dissimulé par des coiffes, cachant sa bouche sous un mouchoir, elle se rendit dans la clairière où elle savait trouver l’heureuse mère. « Elle nous regarda fixement, raconte Mme du Hausset. Madame la salua et, me poussant du coude, me dit : “Parlez-lui.” Je m’avançai et lui dis :
— Voilà un bien bel enfant.
— Oui, me dit-elle, je peux en convenir, quoique je sois sa mère.
« Madame, qui me tenait sous le bras, tremblait, et je n’étais pas trop rassurée. Mlle de Romans me dit :
— Êtes-vous madame des environs ?
— Oui, madame, lui dis-je ; je demeure à Auteuil avec cette dame qui souffre en ce moment d’un mal de dents cruel.
— Je la plains fort, car je connais ce mal qui m’a souvent tourmentée.
« Je regardai de tous côtés, dans la crainte qu’il ne vînt quelqu’un qui nous reconnût. Je m’enhardis à lui demander si le père était un bel homme.
— Très beau, me dit-elle, et si je vous le nommais, vous diriez comme moi.
— J’ai donc l’honneur de le connaître, madame ?
— Cela est très vraisemblable. »

La marquise et sa compagne mirent fin à l’entretien et regagnèrent la voiture. « Il faut convenir que la mère et l’enfant sont de belles créatures, sans oublier son père ; l’enfant a ses yeux. Si le roi était venu pendant que nous étions là, croyez-vous qu’il nous eût reconnues ?
— Je n’en doute pas, madame ; et dans quel embarras j’aurais été ! Et quelle scène pour les assistants de nous voir toutes les deux ! Mais quelle surprise pour elle ! » Le soir, Mme de Pompadour raconta seulement au roi qu’elle était allée acheter des tasses à la manufacture de Sèvres, ce qui était également vrai.

Mlle de Romans multiplia si bien les maladresses, les indiscrétions et les jactances, qu’elle finit par se perdre aux yeux du roi. Il y eut même des violences exercées contre elle, dont Mme de Pompadour était fort innocente. On tenta de la compromettre dans l’affaire La Chalotais (non sans raison, semble-t-il), on perquisitionna son hôtel, on se saisit de ses papiers ; mais ceux qui constataient la paternité du roi demeurèrent introuvables. Enfin, en 1765 — soit un an après la mort de celle qui fut sa rivale, Mme de Pompadour —, Mlle de Romans fut disgraciée par le roi qui l’exila aux Ursulines de Saint-Denis et la sépara de son fils. Loin de l’abandonner à son sort, Louis XV lui témoigna plus de générosité qu’il ne l’avait fait envers aucune autre femme : pour une seule année, près de 500 000 livres (une fortune !) lui furent versées par ses ordres. Ce n'est pas tout ; il lui accorda aussi une pension de 3 000 livres.

Quoique définitivement évincée du rôle de favorite, Anne Couppier n’en demeurait pas moins, grâce à ses libéralités, un fort beau parti pour un épouseur conciliant. Celui-ci allait se présenter sept ans plus tard, en 1772, en la personne d’un Languedocien, Gabriel de Siran, marquis de Cavanac, qui joignait aux titres de maréchal de camp de dragons et de brigadier des armées du roi celui de chambellan du duc des Deux-Ponts. Le roi montra quelque réticence au mariage lorsqu’on vint le lui annoncer. Sans doute jugeait-il ce noblaillon de province indigne de recueillir sa succession. Son amour-propre se froissait habituellement qu’une maîtresse par lui délaissée trouvât quelque époux à sa convenance. A la cour, en tout cas, tout le monde blâmait Mlle de Romans : comment pouvait-elle préférer une alliance aussi commune au glorieux nom de « mère de Louis-Aimé de Bourbon » ?

Elle avait trente-cinq ans, son mari quarante-quatre. L’union d’une brute et d’une coquette ne résiste jamais longtemps. Malgré la naissance de deux enfants, la mésintelligence s’installa durablement dans le ménage. Un procès en séparation de corps et de biens fut alors engagé. L’affaire suivait son cours, lorsqu’une nuit M. de Cavanac surprit sa femme en posture non équivoque avec l’abbé de Boisgelin ; il bondit à la cheminée, se saisit des pincettes, l’abbé se défendit avec la pelle, on se donna quelques estafilades de part et d’autre, et le lendemain tout Paris chansonnait de ce duel ridicule.

Quant à Louis-Aimé de Bourbon, venu au monde avec les qualités les plus aimables, un caractère fort doux et une jolie figure, il fit d’excellentes études au collège de Pontlevoy et au séminaire Saint-Magloire, où Louis XVI l’entoura des plus tendres attentions, prenant soin de lui assurer une carrière rapide et brillante dans l’état religieux. Reçu chanoine d’honneur d’église de Paris le 10 mars 1783, il dit sa première messe le 20 avril, jour de Pâques. Bénéficiaire d’une pension de 75 000 livres, sans compter les revenues de deux abbayes, celle de Signy, dans la forêt d’Ardennes, et celle de Saint-Vincent de Metz, l’abbé de Bourbon était promis aux plus hautes dignités ecclésiastiques. En 1785, l’envie lui était venue de visiter l’Italie, il partit à la fin de l’été avec son précepteur. Le voyage se déroula d’abord le mieux du monde. A Rome, le « joli enfant » fut paternellement accueilli par le vieux cardinal de Fleury, alors ambassadeur de France, auquel Madame Louise l’avait chaudement recommandé. Il parcourut ensuite la Péninsule, un peu impatient de la tutelle qu’on lui avait imposée, un peu à court d’argent aussi, lorsqu’au début de 1787 il tomba malade à Naples. Il y mourut le 28 février de la petite vérole, et fut enterré dans l’église de Santa Maria Nova. Il venait d’avoir vingt-cinq ans. Sa demi-soeur Marie-Louise qui, éplorée par sa mort, écrira : "Le Seigneur a cueilli cette jeune plante de crainte que le grand air ne lui fît du tort."

A l'aube de la Révolution, elle sera avec la comtesse de Flaghac et la marquise de Champcenetz, l'une de ces femmes vivant dans un libertinage effréné, charismatiques et qui étaient très recherchées dans les salons mondains galants de la capitale et dont les titres cachaient d'anciennes pensionnaires du serdeau de Versailles. En 1789, Mme de Cavanac fit un voyage en Languedoc pour présenter ses enfants à leurs parents, les Voisins de Brugairolles, dont était sortie leur grand mère. Le chevalier de Voisins, colonel d'artillerie au régiment de Valence en Dauphiné, se chargea du jeune Siran et l'emmena avec lui. Mais à peine arrivé à sa garnison de Valence, le chevalier y fut massacré dans une émeute, à laquelle son jeune pupille put échapper.

Durant la Révolution, elle émigra en Espagne pour échapper à la guillotine. Veuve – quoique séparée depuis longtemps – de son époux en 1784, elle survécut à la Révolution et mourut sous l’Empire le 27 décembre 1708, âgée de soixante-onze ans. Elle était à la tête d'une fortune s'élevant à un million de livres

 

Sources :

- "Louis XV, libertin malgré lui" de Maurice Lever

- Le dictionnaire des favorites

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Commentaires
B
Ce n'est pas le cardinal Fleury mort en 1743 qui a accueilli le fils de Mme de Romans mais le cardinal de Bernis. Parmi vos sources à citer : "Jacques Casanova. De Paris à Dux en Bohème" de Charles Samaran...
B
Ce n'est pas le cardinal Fleury mort en 1743 qui accueillit Louis-Aimé à Rome mais le cardinal de Bernis.
B
Certains passages sont repris au mot près du chapitre consacré par Charles Samaran à la Vie de Casanova (Jacques Casanova Tome II de Paris à Dux en Bohème. Calmann-Lévy).
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