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Les Favorites Royales
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29 juillet 2012

Louise-Julie-Constance de Brionne, passion passagère du Bien-Aimé

Troisième enfant de Charles de Rohan, prince de Montauban (1693-1766) et d'Eléonore Eugénie de Béthisy (1707-1757), Louise-Julie-Constance de Rohan-Montauban voit le jour le 5 mars 1734. Elle est reçue chanoinesse du couvent de Remiremont le 10 décembre 1742 à l'âge de 8 ans. Ce titre exigeait la justification de 200 ans de noblesse. Elle fut ensuite destinée, en mariage, à Louis de Lorraine-Brionne, un prince de la maison de Lorraine, de neuf ans son aîné. Au mois d'août 1748, le duc de Luynes écrit : « Le mariage de la petite Mlle de Rohan, chanoinesse, seconde fille de M. de Montauban, est conclu avec M. de Brionne ; on le déclarera dès qu'on aura demandé l'agrément ». Le mois suivant, il ajoute : « le roi ayant permis qu'on lui portât à Choisy le contrat de mariage à signer de M. de Brionne, MM. de Brionne et de Montauban ont été à Choisy ce matin. » Le mariage a finalement lieu le 3 octobre suivant. Le Mercure d'octobre 1748 annonça en ces termes la célébration du mariage : « Le 3 octobre 1748, Louis Charles de Lorraine, comte de Brionne, grand écuyer de France en survivance, gouverneur et lieutenant général pour le roi de la province d'Anjou, des villes et château d'Angers et du Pont-de-Cé, brigadier des armées de Sa Majesté et mestre de camp d'un régiment de cavalerie, épousa Louise Julie Constance de Rohan, auparavant chanoinesse de Remiremont. Le mariage fut célébré en présence de M. le curé de Saint-Sulpice, en l'église de l'abbaye de Panthemont, par le prince Louis Constantin de Rohan, premier aumônier du roi, prévôt de l'église cathédrale de Strasbourg. L'époux est fils de feu Louis de Lorraine, prince de Lambesc et de Jeanne Marguerite Henri de Dufort de Duras et l'épouse est fille de Charles de Rohan prince de Montauban, lieutenant général des armées du roi, gouverneur des villes et château de Nîmes et de Saint-Hippolyte et d'Éléonore Eugénie de Béthisy, dame du Palais de la Reine. » De ce mariage, naitront quatre enfants :

Le 28 juin 1761, son époux décède, tué à la chasse, à l'âge de 36 ans. La comtesse en a 27. Elle ne se remaria pas mais devient vers 1770 la maîtresse du ministre Etienne François de Choiseul qu'elle suit dans son exil au château de Chanteloup. La même année, elle devient administratrice de la grande écurie pendant la minorité de son fils Charles Eugène de Lorraine. Elle hérite avec ses enfants de la baronnie de Mont Saint Jean.

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En 1768, la comtesse de Brionne maria sa première fille, âgée de quinze ans, Marie-Josèphe-Thérèse, avec un prince italien de la maison de Savoie-Carignan. Au mois d'août la comtesse de Brionne présentait sa fille à Louis XV. La comtesse de Brionne fut une des femmes les plus jolies et les plus spirituelles de la dernière moitié du XVIII° siècle. A la cour de Louis XV, la comtesse de Brionne se lia très intimement avec la marquise de Pompadour. On prétend d’ailleurs qu’elle serait devenue la maitresse du roi mais dans son livre Lambesc (1692-1748) de Luc Comptone, l'auteur parle d'une "relation privilégiée" avec le monarque. A Paris, elle fréquentait le salon de Mme Geoffrin où elle rencontra Marmontel qui fait son éloge dans ses mémoires : « Après avoir dîné chez Mme Geoffrin avec les gens de lettres et les artistes, j'étais encore chez elle, le soir, d'une société plus réservée, car elle m'avait fait la faveur de m'admettre à ses petits soupers… La compagnie était peu nombreuse. Le groupe était composé de trois femmes et d'un seul homme. Les trois femmes, assez semblables aux trois déesses du Mont Ida, étaient la belle comtesse de Brionne, la marquise de Duras et la jolie comtesse. Leur Pâris était le prince Louis de Rohan. La comtesse de Brionne, si elle n'était pas la Vénus elle même, ce n'était pas que, dans la régularité parfaite de sa taille et de tous ses traits, elle ne réunît tout ce qu'on peut imaginer pour définir ou peindre la beauté idéale. De tous les charmes un seul lui manquait, c'était l'air de la volupté. Les nouveaux contes que je faisais alors et dont ces dames avaient la primeur, étaient avant ou après le souper une lecture amusante pour elles, et lorsque le petit souper manquait par quelque événement, c'était à dîner chez Mme de Brionne qu'on se rassemblait. J'avoue que jamais succès ne m'a plus sensiblement flatté que celui qu'avaient mes lectures dans ce petit cercle, où l'esprit, le goût, la beauté, toutes les grâces étaient mes juges ou plutôt mes applaudissements. Ce qui me ravissait moi-même, c'est aussi de voir de prés les plus beaux yeux du monde donner des larmes aux petites scènes touchantes où je faisais gémir la nature ou l'amour. » Au salon de 1763, le sculpteur Lemoyne exposa son buste en terre cuite. En 1771, Madame Vigée-Le brun reçut la comtesse pour faire son portrait. La comtesse de Brionne est toujours demeurée dans les bonnes grâces de Voltaire qui, en 1773, lui consacrait quelques vers :

"Quel bruit chez le peuple helvétique

Brionne arrive; on est surpris,

On croit voir Pallas ou Cypris

Ou la reine des immortelles ;

Mais Chacun m'apprend qu’à Paris,

Il en est cent presque aussi belles."

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Portrait par Carmontelle en 1758 "Mme la comtesse de Brionne"

Elle jouissait d'une grande autorité et n'hésitait pas à rappeler aux convenances les ambassadeurs même qui y manquaient. Selon Bachaumont en mars 1775 : « M. le comte de Mercy-Argenteau, ambassadeur de l'empereur dans les fêtes qu'il a données en cette qualité, à l'archiduc Maximilien, n'a pas apporté l'intelligence nécessaire pour l'assortiment des convives. A certain jour, entre autre, il a prié M. le duc et Mme la duchesse de Choiseul avec M. le duc et Mme la duchesse d'Aiguillon. Mme de Brionne, qui était aussi du repas, a fait là-dessus des observations au comte et même des reproches en lui faisant sentir sa balourdise bien opposée à l'esprit de finesse ou de politique que devrait avoir un membre du corps diplomatique. » En 1775, la comtesse de Brionne acheta dans le voisinage de Rochefort en Yvelines, domaine de son frère aîné, le domaine de Limours qui devint le théâtre de belles fêtes et dont elle embellie le parc. Prévost, le régisseur de la comtesse de Brionne décrit, dans un manuscrit, les fêtes qui furent données au château de Limours en l'honneur de sa châtelaine ou par elle. En 1778, elle vend le comté de Charny (Mont Saint Jean, Charny, Arnay et Pouilly) à la maison royale de Saint Louis établie à Saint Cyr, mais se réserve le titre de comtesse de Charny qui appartient aujourd'hui à la famille royale d'Italie. En 1780, les réformes que le roi voulut opérer dans sa maison auraient été combattues par Mme de Brionne. Selon Bachaumont le 27 février 1780 : « Il parait que M. Necker ne trouve pas de grandes facilités à exécuter son plan de réforme de la maison du roi. M. le prince de Condé, M. le prince de Lambesc, M. le duc de Coigny et autres, ont présenté des Mémoires pour soutenir leurs droits respectifs. Mme de Brionne a mis tous ses charmes en avant, mais a été, dit-on, très mal reçue du roi. » Cette même année un scandale causé par ses deux fils et sa bru fut apaisé grâce à ses soins diligents. Selon toujours Bachaumont : « Le mercredi saint, M. le prince de Lambesc, grand écuyer de France, son frère et Mme la princesse de Vaudémont, revenaient de la campagne dans la soirée et passaient à six chevaux dans la rue Saint-Antoine. Le bon Dieu allait alors chez un malade. Le postillon retient ses deux chevaux : le cocher, au contraire, excite les siens ; en sorte que le carrosse continue sa route et le pieux cortège est obligé de se disperser. Un prêtre porte-sonnette, qui sortait pour la quatorzième fois de la journée, ne peut s'échapper assez vite, est renversé et blessé; ce qui fait rire les jeunes seigneurs. La population indignée les injurie : on court après le carrosse et l'on ne sait ce qui serait arrivé sans la vivacité des chevaux. On enlève le prêtre et on le porte dans son lit. Le clergé de Saint-Paul, paroisse du lieu, s'assemble et excite le zèle du curé ; on veut qu'il rende compte du fait à l'archevêque et fasse en même temps dénonciation du délit sacrilège au procureur général. Le curé mou se contente d'abord d'écrire à Mme la comtesse de Brionne qui, sentant toute l'énormité du cas, renvoie le cocher, prévient en diligence la police, le ministère public et accourt chez le pasteur un contrat de 200 livres de rentes à la main pour le prêtre blessé qu'elle assure de sa protection. Elle aurait même désiré que ses enfants fussent venus lui faire des excuses. Mais il parait que cette satisfaction n'a pas eu lieu. Quoi qu'il en soit, les dévots, en rendant justice à Mme de Brionne, innocente de cette atrocité et qui a fait toutes les réparations qui dépendaient d'elles, blâment la faiblesse du curé, qui a apaisé ainsi, sans réparation publique, un scandale dont toute la populace a été témoin et les philosophes, qui frémissent surtout de la barbarie de l'action, auraient exigé un exemple de vindicte éclatante de la justice contre les grands trop exigeants en pareil cas. » En mai 1785, le duc de Choiseul meurt, mais il n'oublie pas Mme de Brionne dans son testament. Il évalue ses biens à 14 millions et ses dettes à 10. Il institue le duc de Châtelet son exécuteur testamentaire. Il le prie d'accepter en reconnaissance les toisons d'or de diamants et d'en détacher la rose du milieu pour être donnée à Mme la comtesse de Brionne. Le 13 août 1785, le cardinal de Rohan est arrêté pour l'affaire du collier. La comtesse de Brionne, qui est sa cousine germaine, subit le contrecoup de cette arrestation : « Il passe pour constant que M. le prince de Soubise a eu ordre de s'abstenir d'entrer au Conseil, que Mme la comtesse de Brionne est aussi dans une espèce de disgrâce, enfin que toute la famille de Rohan est mal vue à la cour, sauf Mme de Marsan. » En 1786, la comtesse de Brionne est obligée de se mettre en mouvement pour arranger une fâcheuse affaire que s'est attirée le prince de Vaudémont. « Si l'on en croit des lettres de Metz, le prince de Vaudémont, dont le régiment est en garnison dans cette ville, s'y est fait une affaire très grave. On prétend que non seulement il n'a point voulu faire payer un fournisseur d'une somme qui lui était due, mais qu'il a déchiré son titre et que ce malheureux s'en étant plaint dans le public avec les qualifications que méritait ce colonel, il l'a excédé de coups, an point due l'artisan en est mort ou bien malade ; quoiqu'il en soit, le peuple furieux est allé chez M. le Procureur général pour lui dénoncer le délit et le forcer à rendre plainte au Parlement ; ce qui a eu lieu et a provoqué un décret contre ce seigneur. Toute la famille est en mouvement pour arranger l'affaire. » Sa fille, la princesse Charlotte mourut le 22 mai 1786.

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La comtesse de Brionne avec son amant, le duc de Choiseul, et l'abbé Barthélémy

Au moment de la Révolution, la comtesse de Brionne émigra comme ses deux fils. Le Moniteur universel du 3 février 1793, dans une correspondance datée de Vienne du 15 janvier, annonce que Mme de Brionne vient d'arriver à Vienne et qu'elle a déjà obtenu de l’Empereur, son parent, un secours de 10.000 florins. La comtesse de Brionne ne revint pas en France; elle mourut à Presbourg, en Hongrie, le 21 mars 1815, à l’âge de 79 ans, laissant comme héritiers son fils aîné le prince de Lambesc (ses autres enfants étaient morts) et des petits-enfants. Quelques jours avant sa mort, Mme de Brionne avait reçu la visite d'un vieil ami, le prince de Talleyrand, alors au Congrès de Vienne.

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