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Les Favorites Royales
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6 juin 2012

Lydie de Rochefort-Théobon, comtesse de Beuvron

Née la même année que le Roi-Soleil, Lydie dite de Rochefort-Théobon était la fille du marquis Jean de Rochefort-Théobon et Anne de Chaussade de la Mothe, dame de Roquefère. Par son père, elle venait d’une ancienne famille noble et dont la noblesse remonte au Moyen-Age. Elle est aussi descendante par sa mère de juifs séfarades. Elle était d’origine périgourdine. Elle naquit probablement au château de Lespinasse à Bergerac où elle passa en enfance. Elle portait le nom d’un petit hameau situé au sud-ouest de Bergerac.

Lydie avait un frère, Charles, qui épousa le 21 Février 1664, Marie de Caumont, petite fille du duc de La Force. Il mourut en franchissant le Rhin dans la guerre contre la Hollande. Apprenant la mort de son frère lors du passage du Rhin, Lydie alla s’enfermer quelques jours chez les sœurs de la Visitation Sainte-Marie de la rue Saint-Antoine. Elle y reste pour quelques mois. C’est Madame de Sévigné qui nous l’apprend dans quatre de ses lettres qui date du 8 Juillet 1672 : « Dampierre est très affligée, mais elle cède à Théobon, qui, pour la mort de son frère, s’est enfermée à nos sœurs de Sainte-Marie du faubourg Saint-Antoine. »

Lydie avait aussi une sœur, connue sous le nom de Mademoiselle de Loubès, dite « la petite Loubès », un autre hameau près de Théobon. Elle était également fille d’honneur de la Princesse Palatine mais devint une espionne placée par le Chevalier de Lorraine, au nom du roi, auprès de sa maitresse pour l’espionner. Elle finit ses jours au couvent des Visitandines de Chaillot.

Lydie devient avant 1670, demoiselle d’honneur de la reine Marie-Thérèse d’Autriche. Le 13 Mars 1671, Madame de Sévigné relate à sa fille : « Au reste, si vous croyez les filles de la Reine enragées, vous croiriez bien. Il ya huit jours que Mme de Ludres, Coëtlogon et la petite de Rouvroy furent mordues d’une petite chienne qui était à Théobon. Cette petite chienne qui était morte enragée ; de sorte que Ludres, Coëtlogon et Rouvroy sont parties ce matin pour aller à Dieppe, et se faire jeter trois fois dans la mer. Ce voyage est triste ; Benserade en était au désespoir. Théobon n’a pas voulu y aller, quoiqu’elle ait été mordue. La Reine ne veut pas qu’elle la serve qu’on ne sache ce qui arrivera de toute cette aventure. » A l’époque, pour prévenir la rage, il était fortement conseillé de se plonger dans la mer. C’est par un ordre du roi du 13 Mars 1671, qui le commande à Blavet, maitre des coches d’Orléans, que furent menées les filles de la Reine de Paris à Dieppe. En Septembre de la même année, le marquis de Saint-Maurice évoque un incident survenu lors d’une violente tempête : « Lors de cette furie de vent, les filles de la reine furent obligées de traverser la cour pour aller se coucher ; elles en furent culbutées, leurs robes et leurs chemises sur la tête, et firent montre générale, particulièrement Mlles de Lannoi et de Théobon. »

La liaison du roi avec Mlle de Théobon débute au château de Chambord en 1670, peu avant la représentation de la pièce de théâtre de Molière, le Bourgeois Gentilhomme. Cette liaison est mentionnée dans les dépêches secrètes de l’ambassadeur du roi de ¨Prusse à la Cour, Spanheim. Cette liaison dure jusqu’en 1672 où le marquis de Saint-Maurice parle de l’intérêt que le Roi-Soleil porte à la jeune femme : « On dit que le Roi se divertit quelquefois avec Mlle Théobon, quoiqu’il soit fort empressé des dames. »

Le 9 février 1673, le marquis de Saint-Maurice constate : « Les dames n’y parurent pas (au bal de Saint-Germain), ce qui fait conjecturer que Mme de Montespan pourrait être enceinte ; néanmoins, on dit par la Cour que le roi regarde fort Mlle de Théobon, fille de la reine. Elle a été jolie, elle est maintenant fort massive et même on croit que Sa Majesté s’en servit il y a trois ans à Chambord. » Depuis longtemps, le manège du roi et des filles d’honneur de la reine agaçait Mme de Montespan car elle craignait qu’une éventuelle liaison du roi avec l’une de ses filles ne devienne une passion sérieuse. Elle fit tout pour les chasser de la Cour, n’hésitant même pas à dire qu’elles y faisaient un mauvais lieu. Finalement, le 26 Novembre 1673, elle obtint leur renvoi et furent remplacées par les femmes mûres et pieuses. Après leur renvoi, nombre d’entre elles y compris Mlle de Théobon devinrent les demoiselles d’honneur de la Princesse Palatine, épouse de Monsieur, frère de Louis XIV.

Mlle de Rochefort-Théobon entra alors au service de Monsieur, frère du roi, et devient demoiselle d’honneur de sa seconde épouse, la Princesse Palatine. Chargée dans les premiers temps par Monsieur de surveiller son épouse, elle se lia par la suite avec la Princesse et devint son amie et sa confidente. Celle-ci l’atteste dans une lettre écrite à sa tante, la duchesse de Hanovre dans la lettre du 12 septembre 1682 : « J’aime beaucoup Mlle de Théobon. Je l’ai toujours trouvé très fidèle, et d’un grand attachement pour moi. Je lui en serai gré toute ma vie. » Madame Palatine la décrit aussi dans sa lettre à sa tante du 29 Août 1683, en l’appelant en allemand « die gute schawrze Jungfer » (la bonne fille d‘honneur noire) du fait de sa peau mate et de ses cheveux couleur de jais.

En 1676, Madame de Sévigné parle à sa fille de la reprise de la passion du roi avec Mlle de Théobon. Dans la lettre de Madame de Sévigné écrite de Paris et datée du 7 Août 1676, on peut lire : « J’ai vu les gens à la cour, et qui sont persuadés que la vision de Théobon est entièrement ridicule et que jamais la souveraine puissance de Quanto (la Montespan) n’a été si bien établie. »

Mlle de Théobon pense alors à s’établir et se marier avec le futur lieutenant général de Languedoc, place alors vacante. Malheureusement, c ‘est une autre fille d’honneur, Mlle de Coëtlogon qui l’emporta en épousant Louis de Cavoye. Néanmoins, elle ne se découragea pas et se maria en 1678, avec Charles d’Harcourt, comte de Beuvron, capitaine des gardes de Monsieur, qui la laissa veuve en 1688. C’est à cette époque aussi qu’elle devient la dame pour accompagner la Princesse Palatine.

Mlle de Théobon fut mêlée aux intrigues de Madame et de Monsieur ce qui la vaut d’être chassée par ce dernier en 1682. Selon Spanheim, elle se retira chez les visitandines du faubourg  Saint-Germain puis au monastère du Port-Royal de Paris. Madame lui conserva toujours une grande amitié et c’est une grande correspondance (aujourd‘hui disparue) qui s’échangea entre les deux dames.

En 1685, avec la révocation de l’Edit de Nantes, Mme la comtesse de Beuvron, protestante calviniste, se convertit au catholicisme. Elle devient veuve en 1688 mais resta attachée à la famille de son mari. A la demande de Madame (son amie de toujours), le roi doubla la pension de la comtesse de Beuvron, qui passa de 2 000 à 4 000 livres de rente par an.

En 1694, espérant revenir à la Cour, Mme de Beuvron voulut épouser en secondes noces, le marquis d’Effiat, un des favoris de Monsieur, qui aurait été alors nommé duc à la demande de Monsieur. Madame empêcha ce mariage scandaleux mais à la mort de Monsieur en 1701, elle reprit sans titre Mme de Beuvron à son service.

C’est grâce à Lydie que le duc de Saint-Simon, qui la tenait en grande estime, prend connaissance des coulisses de la Cour et des potins du Palais-Royal. Il en brossera un portrait très flatteur : « La comtesse de Beuvron était une autre femme à qui, non plus qu’à la maréchale de Clérambault, il ne fallait pas déplaire, et qui était extrêmement de mes amies. Elle était fille de condition de Gascogne ; son père s’appelait le marquis de Théobon, du nom de Rochefort. Elle était fille de la reine lorsqu’elle épousa le comte de Beuvron, frère de la duchesse d’Arpajon, père du duc d’Harcourt, desquels j’ai parlé plus d’une fois. Le comte de Beuvron était capitaine des gardes de Monsieur, dont j’ai fait mention, à propos de la mort de la première femme de ce prince. Elle en était veuve, en 1688, sans enfants et était pauvre. Des intrigues du Palais-Royal la firent chasser par Monsieur au grand déplaisir de Madame, qui fut plusieurs années sans avoir la permission de la voir, et qui ne la vit enfin que rarement et à la dérobée dans des couvents à Paris. Elle lui écrivait tous les jours de sa vie, et en recevait réponse par un page qu’elle envoyait exprès. Elle était intimement unie avec la famille de son mari, et notre liaison avec la comtesse de Roucy, fille unique de la duchesse d’Arpajon, où elle était sans cesse, forma la nôtre avec elle ; mais elle n’était revenue à la Cour qu’à la mort de Monsieur, qui la lui avait fait défendre. C’était une femme qui avait beaucoup d’esprit et de monde, et qui, à travers de l’humeur et une passion extrême pour le jeu, était fort aimable et très bonne et sûre amie… »

Lydie de Rochefort-Théobon, comtesse de Beuvron, meurt au château de Marly, le 23 Octobre 1708.

Eplorée, la Princesse Platine fait part de sa peine dans la lettre qu’elle écrit à sa tante le 25 Octobre 1708 : « Je vous écris aujourd’hui, bien que je sois affligée du fond de mon âme et que j’aie à forcer de pleurer mal à la tête et aux yeux. J’ai perdu avant-hier une bonne et fidèle amie, à savoir la comtesse de Beuvron, ce qui m’a cruellement touchée. Je promets désormais d’écrire chaque semaine, car j’ai plus de temps maintenant que la pauvre femme est morte à qui je répondais tous les jours de grandes lettres. »

Saint-Simon écrira d’elle notamment : « Son nom était Rochefort, d’une bonne noblesse de Guyenne, et on voyait bien encore qu’elle avait été belle à soixante-dix ans qu’elle murut. (…) C’était une femme de beaucoup d’esprit et de monde, de fort bonne compagnie, pour qui Madame prit la plus grande amitié ; elle lui écrivait tous les jours sans y jamais manquer, lorsqu’elle n’était pas auprès d’elle. (…) La comtesse de Beuvron était toujours demeurée dans la plus grande union avec la famille de son mari, et était comptée dans le monde. Elle était extrêmement de mes amis ; elle en avait, et en méritait, qui la regrettèrent fort. D’ailleurs, c’était une femme qui avait bec et ongles, assez informée, mais qui aimait fort le jeu. »

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