Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les Favorites Royales
Les Favorites Royales
Archives
Derniers commentaires
4 août 2012

Elisabeth Hamilton, comtesse de Gramont

D’origine écossaise, Elisabeth Hamilton est née 1641. Elle était la fille de George, comte Hamilton et de Marie Butler. Sa famille catholique fut alliée à plusieurs reprises aux Stuarts. Dans sa jeunesse, pour fuir les troubles politiques de son pays, elle avait été amenée en France et fut éduquée à Port-Royal. Elle y garda toujours des attaches et y fit quelquefois des retraites. Vers 1662, elle fut mariée à Philibert de Gramont, comte de Gramont (1621-1707). Il était le petit fils de Diane d'Andoins, comtesse de Gramont, dite « la belle Corisande », une des maîtresses d'Henri IV, Et le fils d’Antoine II, comte de Gramont (1572-1644) et de sa seconde épouse Claude de Montmorency-Bouteville (morte en 1652). Il fut titré "Comte" de Gramont, Vicomte d'Aster, Baron des Angles, Seigneur de Séméac, d'Ibos et de Sarouilles. Il fut reçu Chevalier du Saint-Esprit le 31 décembre 1688.

Elisabeth_Hamilton
Destiné à l'Église, Philibert de Gramont fut éduqué à Pau mais s'engagea dans l'armée du prince Thomas de Savoie-Carignan. Il servit ensuite sous les ordres de son demi-frère Antoine, maréchal de Gramont, et sous le prince de Condé. Déjà compromis pendant la Fronde, il fut exilé en 1662 pour avoir courtisé Mlle de la Mothe-Houdancourt, une des maîtresses du roi. A Londres, il entra à la cour de Charles d’Angleterre et y mena une vie d’intrigue, de galanterie et de plaisir. Il y épousa Élizabeth Hamilton, considérée comme une grande beauté de la cour anglaise. M. de Gramont continua cependant ses exploits galants. L’anecdote dit même qu’il faillit quitter l’Angleterre en oubliant sa promise et fut rattrapé in extremis par son beau-frère. Le couple s’entendit bien selon saint Simon : « Personne ne connaissait mieux qu'elle son mari; elle vécut avec lui à merveilles. Mais, ce qui est prodigieux, c'est qu'il est vrai qu'elle ne put s'en consoler, et qu'elle-même en était honteuse. » Autorisé à retourner en France en 1664, il revint plusieurs fois en Angleterre pour de petites missions diplomatiques. Il mourut le 10 janvier 1707. Voici ce qu’en dit Saint-Simon en 1707 : « Le comte de Grammont mourut à Paris, où il n'était presque jamais, à la fin de ce mois de janvier, à plus de quatre-vingt-six ans, ayant toujours eu, jusqu'à quatre-vingt-cinq uns, une santé parfaite et la tête entière, et encore depuis… Il s'était attaché à M. le Prince qu'il suivit en Flandre, s'alla promener après en Angleterre et y épousa Mlle Hamilton dont il était amoureux avec quelque éclat, et que ses frères, qui en furent scandalisés, forcèrent d'en faire sa femme, malgré qu'il en eût. C'était un homme de beaucoup d'esprit, mais de ces esprits de plaisanterie, de reparties, de finesse et de justesse à trouver le mauvais, le ridicule, le faible de chacun, de le peindre en deux coups de langue irréparables et ineffaçables, d'une hardiesse à le faire en public, en présence et plutôt devant le roi qu'ailleurs, sans que mérite, grandeur, faveur et places en pussent garantir hommes ni femmes quelconques. À ce métier il amusait et il instruisait le roi de mille choses cruelles, avec lequel il s'était acquis la liberté de tout dire jusque de ses ministres. C'était un chien enragé à qui rien n'échappait. Sa poltronnerie connue le mettait au-dessous de toutes suites de ses morsures; avec cela escroc avec impudence, et fripon au jeu à visage découvert, et joua gros toute sa vie. D'ailleurs, prenant à toutes mains et toujours gueux, sans que les bienfaits du roi, dont il tira toujours beaucoup d'argent, aient pu le mettre tant soit peu à son aise. Il en avait eu pour rien le gouvernement de la Rochelle et pays d'Aunis à la mort de M. de Navailles, et l'avait vendu depuis fort cher à Gacé, depuis maréchal de Matignon. Il avait les premières entrées et ne bougeait de la cour. Nulle bassesse ne lui coûtait auprès des gens qu'il avait le plus déchirés lorsqu'il avait besoin d'eux, prêt à recommencer dès qu'il en aurait eu ce qu'il en voulait. Ni parole, ni honneur, en quoi que ce fût, jusque-là qu'il faisait mille contes plaisants de lui-même et qu'il tirait gloire de sa turpitude, si bien qu'il l'a laissée à la postérité par des Mémoires de sa vie, qui sont entre les mains de tout le monde, et que ses plus grands ennemis n'auraient osé publier. Tout enfin lui était permis et il se permettait tout. Il a vieilli sur ce pied-là. Étant fort mal à quatre-vingt-cinq ans, un an devant sa mort, sa femme lui parlait de Dieu. L'oubli entier dans lequel il en avait été toute sa vie le jeta dans une étrange surprise des mystères. À la fin, se tournant vers elle : « Mais, comtesse, me dis-tu là bien vrai? » Puis, lui entendant réciter le Pater: « Comtesse, lui dit-il, cette prière est belle, qui est-ce qui a fait cela? » Il n'avait pas la moindre teinture d'aucune religion. De ses dits et de ses faits on en ferait des volumes, mais qui seraient déplorables si on en retranchait l'effronterie, les saillies et souvent la noirceur. Avec tous ces vices sans mélange d'aucun vestige de vertu, il avait débellé la cour et la tenait en respect et en crainte. Aussi se sentit-elle délivrée d'un fléau que le roi favorisa et distingua toute sa vie. Il était chevalier de l'ordre, de la promotion de 1688. »
Le couple eut deux filles 
- Claude-Charlotte de Gramont (1662-1739), dite Mlle de Gramont, marié en 1694 à Henry Howard comte de Stafford.
- Marie-Elisabeth de Gramont (1667-ap.1717), dite Mlle de Séméac., devenue abbesse de Sainte-Marine de Poussay, morte en 1706.

Elles furent toutes deux nommées fille d’honneur de la Dauphine de Bavière et furent des maitresses du Grand Dauphin, le fils aîné du Roi-Soleil.
Saint Simon parle de ces deux filles: « toutes deux de beaucoup d'esprit, fort dangereuses, fort du grand monde, fort galantes, qui avaient été filles d'honneur de Mme la dauphine de Bavière, et qui n'avaient rien. L'une épousa un vilain milord Stafford, qui était Howard, qui passait sa vie à Paris aux Tuileries et aux spectacles, et que personne ne voulait voir, avec qui elle se brouilla bientôt et s'en sépara. Depuis sa mort elle alla vivre en Angleterre de ce qu'il lui avait donné, en l'épousant, et n'en eut point d'enfants. L'autre se fit chanoinesse et abbesse de Poussay, où elle s'est convertie et a vécu dans une grande pénitence et bien soutenue. Comme elles n'avaient rien, leur mère écrivit en mourant au roi et à Mme de Maintenon pour leur demander pour elles sa pension du roi. De ces deux lettres, l'une fut dédaignée, l'autre négligée: Tel est le crédit des mourants les plus aimés et les plus distingués durant leur vie. Il n'y eut ni réponse ni pension. »

Elisabeth_Hamilton2
A la cour de France, Elisabeth Hamilton, comtesse de Gramont, fut nommée en 1667 dame du Palais de la reine Marie Thérèse. En 1677 ou 1678, elle aurait l’une des petites maitresses de Louis XIV. Fort belle, elle eut une réputation de galanterie. Elle fut fort appréciée du roi pour sa grâce, sa conversation et son esprit mordant et ironique. Elle gravita toujours autour du monarque et ne fut, à ce titre, guère apprécié par Madame de Maintenon, qui malgré son crédit, ne réussira jamais à l’éloigner de la cour. Saint-Simon déclare : « Elle avait été belle et bien faite; elle en avait conservé de grands restes et la plus haute mine. On ne pouvait avoir plus d'esprit, et, malgré sa hauteur, plus d'agrément, plus de politesse, plus de choix. Elle l'avait orné, elle avait été dame du palais de la reine, avait passé sa vie dans la meilleure compagnie de la cour, et toujours très bien avec le roi, qui goûtait son esprit, et qu'elle avait accoutumé à ses manières libres dans les particuliers de ses maîtresses. C'était une femme qui avait eu ses galanteries, mais qui n'avait pas laissé de se respecter, et qui, ayant bec et ongles, l'était fort à la cour, et jusque par les ministres, qu'elle cultivait même très peu. Mme de Maintenon, qui la craignait, n'avait pu l'écarter; le roi s'amusait fort avec elle. Elle sentait l'aversion et la jalousie de Mme de Maintenon: elle l'avait vue sortir de terre, et surpasser rapidement les plus hauts cèdres; jamais elle n'avait pu se résoudre à lui faire sa cour.» 
De son côté, le portrait qu’en dresse Mme de Caylus dans ses souvenirs est plus critique : « Madame la Comtesse de Grammont avait pour elle le goût et l’habitude du roi… elle était souvent angloise insupportable, quelquefois flatteuse, dénigrante, hautaine, et rampante, enfin malgré les apparences, il n’y avoit de stable chez elle que sa mine, que rien ne pouvoit abaisser, quoiqu’elle se piquât de fermeté dans ses sentimens, et de constance dans ses amitiés… elle faisoit toujours paroître beaucoup d’esprit… »

Elisabeth_Hamilton3

Vers 1684, la comtesse de Gramont prit le parti de la dévotion sous la férule de Fénelon avec lequel elle échangeant de nombreuses lettres pendant 12 ans, multipliant les retraites à Port-Royal, au grand dam de Madame de Maintenon qui l’avait attirée dans son cercle et du roi. En 1699, Saint Simon relate une courte disgrâce de notre dame : « Le roi…découvrit … que la comtesse de Grammont avait été passé quelques jours … à Port-Royal des Champs, où elle avait été élevée, et pour lequel elle avait conservé beaucoup d'attachement. C'était un crime qui pour tout autre aurait été irrémissible; mais le roi avait personnellement pour elle une vraie considération et une amitié qui déplaisait fort à Mme de Maintenon, mais qu'elle n'avait jamais pu rompre, et qu'elle souffrait parce qu'elle ne pouvait faire autrement. Elle ne laissait pas de lui montrer souvent sa jalousie par des traits d'humeur quoique mesurés, et la comtesse qui était fort haute, et en avait tout l'air et le maintien avec une grande mine, des restes de beauté, et plus d'esprit et de grâce qu'aucune femme de la cour, ne se donnait pas la peine de les ramasser, et montrait de son côté à Mme de Maintenon, par son peu d'empressement pour elle, qu'elle ne lui rendait le peu qu'elle faisait que par respect pour le goût du roi. Ce voyage donc que Mme de Maintenon tâcha de mettre à profit ne mit la comtesse qu'en pénitence, non en disgrâce. Elle qui était toujours de tous les voyages de Marly, et partout où le roi allait, n'en fut point celui-ci. Ce fut une nouvelle. Elle en rit tout bas avec ses amis. Mais d'ailleurs elle garda le silence et s'en alla à Paris. Deux jours après elle écrivit au roi par son mari qui avait liberté d'aller à Marly, mais elle n'écrivit ni ne fit rien dire à Mme de Maintenon. Le roi dit au comte de Grammont qui cherchait à justifier sa femme, qu'elle n'avait pu ignorer ce qu'il pensait d'une maison toute janséniste qui est une secte qu'il avait en horreur. Fort peu après le retour à Versailles, la comtesse de Grammont y arriva, et vit le roi en particulier chez Mme de Maintenon. Il la gronda, elle promit qu'elle n'irait plus à Port-Royal, sans toutefois l'abjurer le moins du monde; ils se raccommodèrent, et au grand déplaisir de Mme de Maintenon, il n'y parut plus. »

Elisabeth_Hamilton4

Vers 1687, elle voulut se retirer religieusement mais le roi, fort attaché à elle, s’y opposa. En 1704, par privilège, le roi lui accordait une petite maison appelée « Les Moulineaux » dans le parc du château de Versailles alors occupée par Charles-François Félix, (1653-1703), barbier-chirurgien du roi : « Félix avait eu pour sa vie une petite maison dans le parc de Versailles, au bout du canal où aboutissaient toutes les eaux. Il l'avait rendue fort jolie. Le roi la donna à la comtesse de Grammont… Le présent des Moulineaux, cette petite maison revenue à la disposition du roi par la mort de Félix, qu'elle appela Pontali, fit du bruit, et marqua combien elle était bien avec le roi. Ce lieu devint à la mode. Mme la duchesse de Bourgogne, les princesses l'y allèrent voir, et assez souvent. N'y était pas reçu qui voulait, et le dépit que Mme de Maintenon en avait, mais qu'elle n'osait montrer, ne fut capable de retenir que bien peu de ses plus attachées, qui même sur les propos du roi à elles dans l'intérieur, et sur l'exemple de ses filles, n'osèrent s'en dispenser tout à fait; et le roi, jaloux de montrer qu'il n'était pas gouverné, suivait en cela d'autant plus volontiers son goût pour la comtesse de Grammont, qui, avec toute la cour, ne s'en haussa ni baissa. » 

Selon Saint-Simon, « elle comptait bien, dès qu'elle serait veuve, de se retirer entièrement, mais le roi s'y opposa si fortement qu'il fallut demeurer. 
Ce ne fut pas pour longtemps; de grandes infirmités la tirèrent de la cour; [ce] dont elle fit le plus saint usage et le plus solitaire, et mourut ainsi avant ses deux années de deuil
 ». 

Elle meurt le 3 juin 1708. 

Publicité
Commentaires
Publicité